1990-1991
Janvier: L'ouverture de deux postes au département de français, l'un en français langue seconde et l'autre en cinéma, incite Micheline à proposer sa candidature pour les deux offres d'emploi. Parallèlement, les discussions que nous avons elle et moi au sujet de sa méthode de sélection des ouvrages littéraires m'amène à l'encourager à laisser tomber l'Université de Montréal et à trouver ailleurs une direction plus en harmonie avec sa démarche.
De mon côté, je dois reconnaître que de tous les étudiants que j'ai supervisés à la maîtrise, Paul de la Riva, alors en première année de maîtrise, est sans doute celui qui a joué le rôle le plus décisif dans ma carrière. Intrigué par la présence des Canadiens-Français dans les mines sudburoises, Paul m'amène progressivement à m'intéresser à l'histoire des mines, en tant qu'objet de recherche. À l'image de mon père qui consacra la moitié de sa vie en forêt et l'autre dans les mines, je peux dire maintenant qu'à mon tour je finirai par consacrer autant de temps à l'étude de la forêt qu'à celle des mines. Et cela, je le dois à Paul de la Riva.
Mi-février: Avec la SHEUL, je pars pour Québec. Comme nous voyageons en fourgonnette, je peux inviter Kong à se joindre à nous. On couche à l'Auberge de la Paix, une auberge de jeunesse située rue Couillard dans le vieux Québec. Les étudiants et étudiantes adorent le séjour. Parmi celles et ceux présents, il y a Paulette Gosselin, Lucie Leblanc, Sophie Landry, Josée Valiquette, Michel Rodrigue, Jacques Taillefer et Marc Despatie.
Printemps : Ayant eu vent du projet de publication d'un ouvrage historique sur le TNO, les gens du centre culturel de Sudbury, appelé le Carrefour francophone, me demande si j’ai le goût de relever un défi similaire pour leur 40e anniversaire. J'accepte leur proposition, à condition qu'il embauche, durant l'été, un étudiant afin qu’il dresse l'inventaire complet des archives du Carrefour de manière à nous faciliter le travail en septembre.
Début mai: Je remets à ma doyenne, Charlotte Neff, mon rapport annuel.
Normand Renaud me demande de me présenter à l'assemblée générale du Carrefour francophone afin de siéger avec d'autres amis au conseil d'administration. Sa demande me flatte et me montre que je fais dorénavant partie de la communauté franco-ontarienne. Que de chemin parcouru depuis janvier 1989!
28 mai: Au congrès de la Société historique du Canada à Victoria, je présente, en français, une conférence sur les activités forestières, tant ontariennes que québécoises, de la vallée outaouaise. Il y a moins de 10 personnes dans le local alors qu'un collègue livre en anglais, sans la salle voisine, une communication devant une salle bondée. Sans doute ai-je été trop imbu par l'importance des connaissances que je voulais y livrer, car je resterai déçu ce congrès, évitant plus souvent qu'autrement les prochains qui se tiendront.
Début juin: Alors que je suis en route pour mon retour de Colombie-Britannique, je suis élu, en même temps que Sylvie Lafortune, Normand Renaud, Alain Harvey et quelques autres, au conseil d'administration du Carrefour francophone.
15 juin: Depuis la mi-avril, je réorganise les textes de l'histoire du TNO et Micheline passe à la loupe chaque texte. Heureusement que la session est terminée car il me faut livrer un manuscrit complet et terminé avant notre départ pour l'Europe.
Fin juin: En vertu du programme d'échange qui avait permis à Marjolaine et Louis-Philippe d'aller en France, nous hébergeons deux lycéens, Claire et Jérémie, pendant deux semaines. En comptant Kong et Louis-Philippe, la maison est pleine d'adolescents. Avec Dieter et Judith, on les amènera sur l'Île Manitoulin faire du camping.
1er juillet: Après quelques péripéties, qu'elle racontera un jour si ça lui chante, Micheline est embauchée par le département de français pour enseigner des cours de cinéma et pour développer un programme sur le 7e art, en menant au préalable, une étude de faisabilité.
Mi-juillet: Kong repart pour la Thaïlande mais Louis-Philippe nous annonce qu'il revient vivre avec nous.
18 juillet: Décu du peu d'impact de mes publications en français, j'avais commencé, à l'automne précédent, de rédiger un article en anglais sur l'histoire forestière québécoise. Dieter et un de ses amis qui est aussi devenu le mien, Geoffrey Tesson, m'avaient fait quelques commentaires afin d'en extirper les fautes les plus grossières, mais ils ne pouvaient quand même pas l'écrire à ma place. C'est dans cette perspective que je fais parvenir à la Revue d'études canadiennes un article qui, finalement, ne sera jamais publié.
21 juillet: Je renvoie au Centre de recherches en civilisation canadienne-française, responsable de la revue Cultures du Canada français une nouvelle version de l'article que Donald et moi leur avons soumis en décembre.
27 juillet: Micheline et moi partons pour l'Europe. On se loue une voiture et on passe par l'Alsace pour se rendre en Suisse visiter Serge et Claudine, puis on se dirige à Montpellier où Micheline rencontre Jeanne-Marie Clerc, spécialiste des rapports entre la littérature et le cinéma. Cette rencontre jette les bases d'une collaboration qui permettra à Micheline de compléter, à l'Université Paul-Valéry de Montpellier, sa thèse de doctorat. Diplôme qui demeure obligatoire pour l'obtention de la permanence. De mon côté, j'adore ce premier contact avec la France.
Mi-août: Nous remontons à Sudbury avec Louis-Philippe. J'espère pouvoir lui trouver une école secondaire adaptée à ses besoins. On me parle en bien d'une école alternative où il sera finalement accepté.
Début septembre: Il faut que je réfléchisse à la constitution de l'équipe d'historiens amateurs qui devra rédiger l'histoire du Carrefour qui, précisons-le, s'était longtemps appelé le Centre des jeunes. À l'exception de Marc Despatie, je dois compter sur une toute nouvelle équipe dans laquelle Marc jouera cette fois le rôle de leader. Le pari que je fais est de donner comme travail de session à mes neuf étudiants de mon cours de niveau 4000, la réalisation de ce projet. Et pour me faciliter la tâche, j'obtiens de mon directeur, Angus Gilbert, qu'il approuve l'inscription à ce cours avancé de deux étudiants talentueux qui viennent de terminer leur première année.
Automne: J'assiste régulièrement aux réunions du conseil d'administration du Carrefour francophone. Il faut faire son apprentissage et apprendre à connaître nos collègues et le directeur-général du Carrefour. Le groupe des nouveaux-venus, dont je fais partie, souhaite une plus grande collaboration du Carrefour avec les autres institutions culturelles franco-ontariennes. Mais cela n'est pas toujours aisé à obtenir et des frictions ont commencé à apparaître.
Dans le cadre de l'école alternative, Louis-Philippe fait son stage au TNO où il travaille avec Gérald, menuisier de métier et qui lui donne de précieux conseils non seulement sur le travail mais aussi sur la vie. Louis-Philippe ne compte pas ses heures et sa détermination me réjouit, bien qu'à la maison la relation avec Micheline soit tendue. S'agissant du TNO, je n'ai pas le temps de me préoccuper du sort de notre manuscrit, trop investi dans mes cours et le projet du Carrefour francophone.
Fin de la session: Les étudiants et étudiantes du programme, qui ont appris mon départ en juin, se mobilisent. Avec l'appui de Pierre Cameron, ils proposeront, au cours de l'hiver, ma candidature pour le prix d'excellence en enseignement, ce qui provoquera certaines perturbations au département. Ma grande proximité avec la clientèle étudiante crée des malaises et des suspicions.
1991:
Janvier: Deux lettres envoyées, l'une à Dieter et Judith qui sont en Allemagne afin de profiter d'une sabbatique, l'autre à Serge et Claudine, permettent de bien saisir les sentiments et les doutes qui m'assaillent, en entreprenant la dernière session de mon contrat.
15 février: Suivant ma suggestion, la SHEUL se montre ambitieuse et organise un voyage, en fourgonnette, à Québec et Moncton. La rencontre avec mes collègues acadiens s'avère particulièrement fertile. Sur place, je prononce une conférence qui cherche à présenter l’histoire du Nord-Est ontarien aux Acadiens. Et pour la première fois, dans une situation officielle, je me définis comme un Franco-Ontarien, en parlant de NOTRE histoire.
Fin février début mars : La famille reconstituée que nous formons est rendue à un carrefour. En pleine adolescence, Louis-Philippe a du mal à accepter Micheline et à suivre les règles familiales, à telle enseigne que nous avons décidé, elle et moi, que nous vivrons chacun avec nos enfants. Micheline se cherche ainsi une maison plus petite dans le Nouveau-Sudbury.
11 mars : Je tente une dernière démarche auprès du vice-recteur, Michael Dewson, en lui envoyant une lettre qui vante mes nombreux mérites! et qui le prévient notamment que la Laurentienne risque gros en me laissant tenter ma chance à Winnipeg.
22 mars : Je passe avec succès mon entrevue au Collège universitaire de Saint-Boniface. Je fais alors la rencontre de mon futur doyen, André Fréchette et de mon unique collègue historien, avec qui je m'entendrai très bien, Michel Verrette.
Avril: En fin de session, j'ai trois étudiants qui soutiennent leur mémoire de baccalauréat . Trois mémoires que j'ai dirigés du début à la fin et qui constituent véritablement mes premiers mémoires bien à moi. Pas étonnant que les trois finiront par être publiés sous une forme ou sous une autre quand on considère que deux d’entre eux compléteront un doctorat en histoire. Par ailleurs, l'un deux, celui de Paulette Gosselin qui traite des accidents de travail à l'Inco, va nourrir mon intérêt nouveau pour l’histoire minière.
L'Orignal déchaîné est en liesse car sa rédactrice en chef, Geneviève Ribordy, gagne le pix du recteur d'une valeur de 8,000$. Ce faisant, elle réédite l'exploit de Luc Comeau qui, deux ans plus tôt, avait été le premier à décrocher ce prix alors qu'il assumait le rôle de rédacteur en chef. Si Geneviève devient la deuxième récipiendaire, c'est que le prix n'avait pas été attribué en 1990.
15 avril: Ayant terminé les corrections des différents chapitres et annexes de notre histoire du Carrefour, j'ai soumis le manuscrit au Carrefour francophone afin de susciter des commentaires. Une lettre envoyée à cette date laisse entrevoir des divergences qui augurent mal. Pour une vue d'ensemble de ce projet on consultera la genèse de cet ouvrage encore en devenir.
24 avril: Je viens de signer mon contrat d'embauche avec le Collège universitaire de Saint-Boniface que je transmets à mon doyen en l'accompagnant d'une lettre marquée par beaucoup de franchise. Puisque Micheline et moi avons acheté une maison rue Dyane pour qu'elle y emménage, nous décidons de mettre en vente la maison rue McKenzie, devenue inutile en raison de mon départ.
Début mai: Je remets à ma doyenne, Charlotte Neff, mon rapport annuel.
28 mai : Le directeur-général du Carrefour met de l'avant un plan quinquennal qui dérange plusieurs membres du conseil d'administration faisant partie, comme moi, des nouveaux-venus. Si, au début de l'année, nous étions majoritaires au conseil, ce n'est plus le cas maintenant. En désaccord total avec la vision du directeur-général et incapables de rallier une majorité au conseil, nous sommes forcés de démissionner à la veille de la prochaine assemblée générale. Pour se donner une idée des débats et de nos motivations, on pourra consulter les critiques que Normand Renaud, Alain Harvey et moi avions rédigées en cherchant à justifier notre geste. Une première analyse le plan quinquennal et l'autre discute de l'orientation trop mercantile du Carrefour.
Début juin: Non seulement Louis-Philippe ne souhaite pas me suivre à Winnipeg mais en outre, il décide de retourner vivre à Montréal. Sa décision nous fait prendre conscience qu’il devient inutile pour Micheline de déménager. On cesse alors de mettre en vente notre maison de la rue McKenzie et nous cherchons plutôt un locataire pour l’autre maison.
Août: Après avoir déménagé mes livres et mes effets personnels au début du mois, je suis revenu à Sudbury car mon contrat ne démarre que le 1er septembre. J'ai des cours nouveaux à préparer. Notamment deux cours d'histoire américaine dans lesquels j'investis beaucoup. Comme cadeau de départ, Micheline m'a acheté une peinture sur soie de Mary Jowsey que j'ai adorée lors d'une exposition tenue à la Galerie du Nouvel-Ontario. Ce paysage industriel, typique de Sudbury, fait partie de mes bagages. Dans les plaines de l'Ouest, ce précieux souvenir me rappelera ma région.
Début septembre : Je prends le train à Capréol en route pour Winnipeg afin de commencer mon enseignement au Collège.
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