2006-2007: Une année sabbatique!

13 septembre : Après une petite fête familiale marquant notre départ, on prend notre vol avec escale à Londres et arrivée à Marseille où on prend possession d’une belle Citroën bleue. Une amie de Micheline, Jasmine, qui en est à son premier voyage en Europe, nous accompagne au cours de nos deux premières semaines. On adore le gîte avec sa terrasse à l’entrée que recouvrent quelques pieds de vigne. J’y récolterai mes premiers raisins et quelques autres invités feront de même. Dans la cour avant il y a des lauriers-roses, quelques oliviers et de la place pour stationner deux voitures.

Micheline découvre rapidement un nouveau téléroman marseillais en onde tous les soirs de la semaine : «Plus belle la vie», qu’elle écoute encore régulièrement en 2017 en syntonisant RFO.

De mon côté, c’est l’accès à l’Internet qui me préoccupe le plus car je désire être en contact instantané avec Kevin et Sophie (13 ans plus tôt un échange par la poste avec Karey, Paul et Pierre prenait deux semaines!). Au cours des premières semaines, on se déplace à Vaison-la-Romaine pour acheminer et récupérer des courriels. Au bout d’un certain temps on se rend compte que la bibliothèque municipale de Vacqueyras attenante à la mairie offre gratuitement le service qui sera interrompu pendant deux semaines à la mi-octobre en raison d’un congé de paternité du bibliothécaire, ce qui nous forcera à retourner régulièrement à Vaison.

Pour la première fois depuis que j’ai commencé à enseigner à la Laurentienne je découvre en Provence les plaisirs répétés d'une lecture pour s’amuser. Jusqu’alors, je ne lisais que dans l’urgence, c’est-à-dire seulement ce dont j’avais besoin pour des cours et mes recherches. Sauf pour un roman trouvé au hasard et lu en vitesse, je ne savais plus ce qu'était lire à tous les jours pour le plaisir. Or, à notre arrivée, je trouve dans la toilette du gîte, qui se trouve séparée de la douche, quelques tablettes pleines de livres, parmi lesquels un livre du romancier et égyptologue Christian Jacq. Je le dévore et en achète quelques autres du même auteur à la grande surface Auchan d’Avignon. Ce plaisir de lire au quotidien, que je n’avais pas eu le temps d’expérimenter lors des deux sabbatiques précédentes, je le retrouverai lors de ma retraite.

26 septembre : Un départ pour Marseille que nous allons visiter pour ensuite coucher avec Jasmine à l’Hôtel Étap de l’aéroport afin qu’elle puisse prendre son vol de retour. Le lendemain matin en route vers les Baux-de-Provence, Micheline se rend compte qu’elle a perdu son porte-cartes dans lequel elle a son permis de conduire. La décision est prise d’aller à la gendarmerie de notre région afin d’expliquer la situation. Ce sera celle de Carpentras qui allait nous tirer d'embarras. Coupons court car mon récit de voyage de l'époque en fait longuement allusion.

5 octobre : On écrit une lettre de remerciement au commandant de la gendarmerie.

7 octobre : Une autre visite arrive: nous allons chercher Jean-Claude et Alexandre à l’aéroport de Marseille. Puis, c’est autour de Robert et Nicole deux jours plus tard alors qu’ils font une escale en provenance de la Corse. Nous sommes six à table, mais Alexandre et Jean-Claude me donnent un bon coup de main pour la bouffe.

11 octobre : Malgré la présence de la visite, je peux travailler au moins deux heures par jour dans ma correspondance et ma recherche sur les mineurs de Kirkland Lake. Cette journée-là j’écris à Kevin. Puis à un autre étudiant, Serge Dupuis, à qui je me confie : « Bien que j’adore l’enseignement, cela me tue à petit feu tellement c’est exténuant de bien faire son travail. Par ailleurs, mon projet de recherche sur la Lake Shore va bon train. Comme je cherche un mode de rédaction et de présentation autre que le ton universitaire hermétique, j’essaie de mettre au point une façon d’écrire qui serait plus accessible.» C’est un peu plus tard que, grâce à une suggestion de Micheline, je trouverai une manière originale de produire de l’histoire en traitant de la question des accidents de travail, soit en imaginant une entrevue que m’aurait donnée un mineur fictif que je ferai parler comme mon père.

Octobre : Parmi les sites que nous revoyons avec chaque nouvelle visite, il y a la jolie ville d’Orange, située à peine à 45 minutes. Son théâtre romain et son arc de triomphe me fascinent, moi qui n’étais jamais allé à Rome.

Dans le théâtre faisant face aux spectateurs, une statue de l’empereur trône. On nous explique que chaque nouvel empereur a droit à sa statue. Les sculpteurs de l’époque ne font que la tête de l'empereur qui est déposée sur le même corps. Copiée à des centaines d’exemplaires, la nouvelle tête est diffusée dans l’empire. Dans ce théâtre en plein air, je ressens une quiétude qui n'est pas sans me rappeler l'importance de la «pax romana» qu'a instaurée l'empire pendant quelques siècles.

Les effets de cette paix romaine, je les verrai avec éclat à Vaison-la-Romaine puisque lors de la période romaine, la ville s'étend en plaine tandis que par la suite -et pendant les longs siècles d'incertitude du Moyen-Âge- la ville se replie sur un rocher escarpé autour d'un château, juste de l'autre côté de l'Ouvèze, célèbre pour son pont romain à arche unique.

16 octobre : Le gîte se vide car on part tous les six pour Millau et Nant en Aveyron, et Montpellier, en passant par le Pont-du-Gard. On veut montrer à nos quatre invités où nous sommes demeurés en 1993-1994. J'étais beaucoup plus émerveillé par le village à l'époque car il m'est apparu bien triste lors de notre courte visite. Il y a aussi le nouveau viaduc de Millau que nous voulons absolument voir.

17 octobre : Micheline et moi étions familiers avec Montpellier que nous avions découvert à pied pendant un mois en 2001. Il nous faisait plaisir d'y déposer Robert et Nicole pour leur retour à Montréal. Mais notre arrivée en voiture dans la ville s'avéra fort difficile en raison des sens uniques et d'une cartographie déficiente.

18 octobre: C'est à Lunel que l'on fête l'anniversaire de Micheline. Lunel que nous connaissions depuis 1994 en raison de son Muscat que j'ai apprécié pendant quelques années alors que je n'étais pas diabétique!

19 octobre: De retour à Vacqueyras, nous convenons de fêter l'anniversaire de Jean-Claude le lendemain à Gigondas où un tenancier de bar, Jean-Michel, organise un souper alsacien. À chaque visite, on s'était rendus à son bar «Les Copains d'abord» car on aime bien le personnage. Le souper fut copieux et mémorable!

28-30 octobre: Renée et son nouveau chum Laurent, qui reviennent de Corse, s'arrêtent quelques jours avant de retourner chez eux dans les Landes. Je prends plaisir à découvrir son GPS, nouveau gadget encore peu répandu. La voix du GPS est une femme que je traite parfois de connasse quand elle donne de mauvaises indications. Je me dis néanmoins qu'il aurait été bien utile pour retrouver l'hôtel de Robert et Nicole à Montpellier.

31 octobre: Arrivée de la cousine de Micheline, Danielle et de son chum Pierre. Avec eux, nous récoltons patiemment près de 20 kilos d'olives dans la cour afin de les amener, le 15 novembre, au moulin de Caromb pour les faire presser à froid. Nous obtenons près de deux litres de notre huile d'olive-maison dont nous nous régalerons pendant les deux mois suivants.

Début décembre: François et Annette viennent nous rendre visite pour quelques jours alors que c'est le marché de Noël de Vacqueyras.

13 décembre: Arrivée de Marjo et d'Étienne avec leur conjoint. J'aurais bien aimé que Louis-Philippe et Nathalie viennent également, mais ça ne leur était pas possible. Déjà avoir deux de ses enfants afin de partager nos découvertes provençales, c'est quand même bien.

Décembre: Parmi les sites qu'ils souhaitent visiter il y a Avignon et son pont de la chanson : On y danse tout en rond... Bien sûr, on ira voir Jean-Michel à Gigondas et nous le ferons apprécier leur vin.

De mon côté, je suis en train de finaliser une démarche pour ne pas enseigner à l'automne 2007 en payant de ma poche le salaire de deux charges de cours. J'ai envie de poursuivre ma recherche sur Kirkland Lake. Dans un courriel le 12 décembre je disais à mon collègue Pierre Cameron: «Moi, je rêve déjà à ma session d’automne où je disposerai de mon temps pour avancer ma recherche sur Kirkland Lake. Le dossier à digérer et à traiter est colossal, même avec un échantillon de 1030 travailleurs.»

23 décembre: C'est maintenant officiel: je n'enseignerai pas à l'automne 2007. Quel soulagement! Cette fois-ci, le retour de sabbatique sera psychologiquement moins brutal.

24 décembre: Départ de Marjolaine.

25 décembre: Avec Étienne et sa blonde nous allons fêter Noël au restaurant La Mère Germaine de Châteauneuf-du-Pape que François et Annette nous avait fait connaître. On nous sert en finale une assiette composée de plusieurs desserts, afin d’évoquer la tradition des 13 desserts de Noël. Quelle belle façon de conclure la fin de la visite de deux de nos enfants!

26 décembre: Départ d'Étienne.

31 décembre: Jean-Michel nous a invités à fêter le Nouvel-An avec les Gigondassiens. On est très contents de célébrer l'évévement avec les résidants du village qui ont réservé la salle communautaire pour l'occasion.

2007

1er janvier: Dans un courriel je raconte à Dieter mon plaisir d'approfondir la situation des mineurs de Kirkland Lake: Ma recherche sur les mineurs de Kirkland Lake me passionne. Je ne croyais pas pouvoir retrouver cette passion pour un sujet. L’examen des accidents qui m’a pris 3 longs mois, m’amène à nuancer mon point de vue sur ces travailleurs, même si je continue à penser que le point de vue misérabiliste, charrié par les historiens du travail et les syndicalistes, ne correspond pas à la réalité. Comme je te l’ai dit, je continue à réfléchir sur l’idée de vacances, ce temps que le travailleur consacre pour se reposer et qui prendra rapidement la forme d’une semaine estivale (ou deux). Dans les années 1920, cette pratique est pour ainsi dire absente : on prend plutôt quelques jours de congé ici et là et surtout dans le temps des Fêtes. Puis à la fin des années 1930, avant les syndicats, la pratique est en place. Il y a un changement de mentalité sur lequel je dois réfléchir et qu’il me faut expliquer. Est-ce la marque de la discipline du travail industriel avec cette rigidité de la conception du temps qui finit par s’imprégner dans la conscience ouvrière?

5 janvier: Micheline et moi avons planifié un voyage à Paris afin de clore en beauté notre séjour en France et afin de ne pas trop sentir le vide laissé par le départ de nos nombreuses visites. Ce matin-là, on prend le TGV à la gare d'Avignon. On habite dans un hôtel près de la Place de l'Italie. On se rendra à quelques reprises dans le Quartier Latin en remontant la jolie rue Mouffetard. On visitera notamment le Musée d'Orsay et le Sacré-Cɶur.

9 janvier: Retour à Vacqueyras. Au cours des derniers jours de notre séjour on fait connaissance avec Renaud et sa blonde qui habitent au 3e étage du gîte. On leur remet toutes les provisions non utilisées et eux nous donneront en cadeau une verveine faite maison que la mère de Renaud fabrique. C'est un délice que j'apprendrai à faire en faisant pousser ma verveine à Montréal.

14 janvier: Dernier coucher en Provence, à l'aéroport de Marseille où Micheline remet sa Citroën dont elle va beaucoup s'ennuyé à Montréal.

Mi- janvier : J'entreprends des travaux de rénovation de notre pièce dans la cave rue Chambord afin de la transformer en bibliothèque. Cela prendra un mois à raison d'une heure ou deux par jour. Petit train va loin!

22 janvier: Je pars en bus pour Sudbury afin de rencontrer Kevin et Sophie pour discuter de leur mémoire.

3 avril 2007: Je soumets à Kevin et à Sophie l’idée d’une publication électronique de notre projet de livre sur les mineurs de Kirkland Lake. Ils acceptent ma proposition. Au cours des mois suivants, ils mettent, eux aussi, l'épaule à la roue en travaillant notamment à la bibliographie tandis que je chercherai une iconographie appropriée.

8 avril: Pour la fin de semaine pascale, Marjolaine, qui vit des difficultés avec Michel, vient seule nous rendre visite. On décide le jour de Pâques d'aller voir ma mère et son chum Gérard à Grand-Mère. Louis-Philippe et sa famille font aussi le voyage. Au retour Camille décide de venir dans votre voiture. Lorsqu'on lui demandera ce qu'elle a fait pour Pâques, je lui dis à la blague de répéter la phrase suivante: «Avec mon père, ma mère, mon grand-père et ma grand-mère je suis allée rendre visite à mon arrière-grand-mère à Grand-Mère!»

12 avril 2007 : Le cinéaste Marc-André Forcier, que j'ai rencontré à quelques reprises dans le passé, me soumet une version de son scénario de film intitulé «Némésis» qui deviendra «Je me souviens» à sa sortie en 2009. Il me demande de commenter son traitement de la réalité minière de la fin des années 1940.

25 avril 2007 : Je soumets à Marc-André Forcier mes commentaires.

Fin avril: Le peu d'activités de l'Amicale au cours de l'été et de l'automne 2006 me préoccupe grandement, entrevoyant à plus ou moins brève échéance un départ définitif de Sudbury. Je souhaite de tout cɶur que l'Amicale, pour laquelle je me suis beaucoup investi, survive à mon départ. Comment préparer une relève? Je lance l'idée le 28 avril que chaque membre du club devra apprivoiser au cours de l'année une famille de champignons afin de prendre connaissance de ses principales espèces.

Début juin: On redéménage à Sudbury et reprenons possession de notre maison rue David. Un ami, Louis Durand, l'avait louée pendant un an et s'y était beaucoup plu au point de vouloir nous l'acheter.

À tort, je suis un peu inquiet pour Micheline qui se sentait si bien à Montréal et pour qui Sudbury évoque surtout des mauvais souvenirs professionnels. Nos sorties régulières dans les bois de Sudbury à la recherche de champignons constituent heureusement de grands moments de détente, ce qui nous manquent cruellement rue Chambord.