2016: De l'Allemagne et de la croisière sur le Danube
J’ai tardé à envoyer des nouvelles de ce voyage en Allemagne et de cette croisière sur le Danube. J’avais promis à ma blonde que je m’ouvrirais à d’autres parties du monde et c’est ce que je suis en train de faire avec ce séjour qui se termine aujourd’hui en Allemagne J’avais connu, il y a plus de 20 ans, grâce à Dieter, la région de Bonn (qui venait de perdre son statut de capitale au profit de Berlin d’une nouvelle Allemagne réunifiée) et de Cologne. Il m’était resté en souvenir cette colossale cathédrale de Cologne et les vitesses illimitées de conduite automobile sur les autoroutes. Autant dire presque rien.
Si j’ai tant tardé c’est que ce voyage en groupe organisé demeure une formule épuisante pour nous habitués à prendre notre temps à vivre à un autre rythme que celui de notre ancienne vie professionnelle. La trentaine de personnes qui font partie du groupe ont déjà fait de nombreux voyages de ce genre et ne semblent pas s’en plaindre. Dans un programme que je qualifierais d’intense, mais peut-être pas eux, il fallait voir Francfort, cette capitale financière européenne avec ses gratte-ciel, Stuttgart ville de l’automobile avec ses vignobles qui la ceinturent, Rothenburg et ses murailles, et Neuschwanstein, ce château qui a inspiré Waltz Disney et dont il ne vaut pas la peine de visiter l'intérieur, sauf pour le point de vue qu'il offre. J'ai été davantage conquis par l’église de Wies, située tout près. Cette église, perdue en plein champ en Bavière près des Alpes, constitue pour le moment mon premier coup de cœur et reste un remarquable exemple d’église rococo avec une coupole richement décorée et en prime, un trompe-l’œil d’une efficacité que je n’avais encore jamais vue. Ce n’est pas pour rien qu’elle est classée par l’UNESCO sur la liste du patrimoine mondial.
On doit être prêts pour partir à 8h15 ce matin, afin de visiter Munich, dernière ville visitée en Allemagne avant se rendre en Autriche prendre notre bateau qui nous permettra de défaire pour de bon nos bagages.
De la Bavière
J’ai aimé cette Bavière, «Bayern» en bavarois, pour sa volonté de se démarquer de l’Allemagne qui soit-dit en passant est un État fédéral comme le Canada. Jamais plus je ne penserai à l’Allemagne comme avant. Je viens bêtement de me rendre compte que la réalité d’un pays fourmille de nuances régionales fondamentales. Je savais que le Québec n’est pas le Canada, mais je ne savais pas que l’Allemagne n’est pas la Bavière. Mentionnons que cette dernière devient un royaume autonome au début du XIXe siècle (grâce à Napoléon) et maintiendra une indépendance relative jusqu’en 1918. Sa monarchie est responsable de magnifiques aménagements urbains à Munich, y compris ce secteur reproduisant la Grèce antique. Monarchie dont un des héritiers, Louis II, commanda l’érection de ce château de Neuschwanstein.
On ne pouvait pas se rendre à Munich sans visiter une de ses célèbres brasseries. C’est ce qu’on a fait le midi 23 mai. Malgré mon goût excessif pour le vin, je me suis donc mis à la bière, mon estomac, j'en suis sûr, me pardonnera cette passagère infidélité! Un guide dans un excellent français nous a expliqué les rudiments de la bière et les règles strictes qui déterminent sa fabrication. Si le nombre d’éléments constitutifs se limite à quelques-uns, les variétés dans le goût peuvent de développer notamment par des grains d’avoine de parfums fort différents : nous avons goûté à deux grains d’avoine secs et la démonstration fut fort concluante. J’ai beaucoup aimé cette ville et je pourrais y revenir pour y visiter ses musées.
De Vienne et de la Hongrie
Mardi soir, pour notre arrivée à Vienne, ce fut un concert de musique classique pour grand public. Il fallait voir les consignes avant de partir sur le plan vestimentaire : mes jeans étaient jugées déplacées, les bourses des dames devaient se faire fort discrètes, aucun manteau long n’était toléré, etc. 13 musiciens (dont une seule femme) et 4 chanteurs d’opéra et danseurs m’ont fait passer des moments bien meilleurs que ce à quoi je m’attendais. Bien sûr, nous avons eu droit à du Mozart, au Danube bleu (qui soit-dit en passant ne me paraît pas bien bleu, même si la guide prétend que dans une journée bien ensoleillée on pourrait le voir ainsi). Peut être est-ce le printemps qui charrie des alluvions?
La visite du château de Schönbrunn, résidence d’été des Hasbourg à Vienne, m’a beaucoup impressionné au point de devenir mon meilleur souvenir de voyage. Devant une grande peinture illustrant les festivités entourant le mariage d’un des 16 enfants de l’impératrice Marie-Thérèse, considérée comme la mère de l’Autriche, la guide nous explique que le peintre officiel rattaché à la cour a pris quelques années pour réaliser cette toile qui contient quelques centaines de personnages, dont la dernière fille de l’impératrice, la toute jeune Marie-Antoinette. En effet, le peintre a dû rendre visite après l’événement à chaque famille de la noblesse invitée afin de faire leur portrait pour les représenter le plus fidèlement possible. Même si Mozart n’avait que 4 ans lors de l’événement et que ce n’est que deux ans plus tard qu’il fera une première prestation au château, le peintre l’a dessiné quand même pour démontrer déjà sa notoriété. D’une certaine manière, on pouvait photoshoper, dès cette époque, les peintures pour les ajuster au goût du jour!!!
Parti de Vienne le midi, notre bateau, le Vivaldi, s'est arrêté à Brastislava pour une visite de quelques heures en Slovaquie. Il faut dire deux mots sur ce bateau à fond plat qui accueille 160 passagers et une trentaine de membres d’équipage. Doté de trois ponts donnant accès aux chambres, le bateau présente un pont intermédiaire dont une des extrémités est un grand salon et l’autre l’espace restaurant. Au-dessus du pont supérieur, seul doté de chambres donnant sur des fenêtres qui s’ouvrent, un pont-soleil où on aime bien se retrouver. Micheline et moi sommes au premier pont avec une chambre percée de deux fenêtres carrées se situant à peu près au niveau de l’eau. On ne pouvait pas voir de plus près le Danube!
Cette Slovaquie m'est parue bien moins riche que l’Autriche et bien plus tristounette mais nous nous y sommes procurés les plus beaux aimants-souvenirs («magnets») de tout le voyage! Heureusement, le lendemain matin c’était une Hongrie plus souriante et plus belle qui nous accueillait en visitant sa double capitale : Buda, sise d’un côté du Danube, et Pest sur la rive opposée. La grande place des Héros avec les statues des 7 chefs à l’origine de cette migration il y a plus de 1 000 ans (et qui explique que la langue hongroise est proche du finnois et de l’Estonien et non des langues des peuples voisins) vaut assurément le coup de l’œil. Cette place fut inaugurée en 1896 lors de son millénaire dans une grande Hongrie, membre à part entière de l’empire austro-hongrois qui allait s’écrouler en 1918.
En tant qu' ex-professeur, je ne pouvais pas visiter la Hongrie sans m’enquérir de ce qui restait dans leur mémoire du leader hongrois du soulèvement de Budapest de 1956, Emre Nagy dont j’ai parlé dans mes cours sur l’histoire du XXe siècle. Soulèvement qui fut écrasé dans le sang par les tanks soviétiques venus étouffer cette trop précoce soif de liberté et de démocratie hongroise et qui fit 3 000 victimes. J’attendais dans le bus pour savoir si la guide locale en parlerait. Or, je fus agréablement surpris qu’elle dise d’elle-même qu’un monument avait été élevé en sa mémoire, après la chute du Mur de Berlin, sur la Place des Martyrs près du Parlement hongrois. Ce qu’il y a de plus significatif peut-être c’est qu’on a ouvert à Budapest un Musée des Horreurs du XXe siècle. Et quelles sont, selon les Hongrois, ces horreurs? Le nazisme et le communisme! Si je reviens, j’irai à ce musée que j’ai seulement vu de l’extérieur. Eh oui, le bus se devait de partir pour aller voir ailleurs. Cela dit, j’aurais bien aimé admirer ce monument que j’ai pu quand même apprécier sur Internet. Pourquoi se priver de cette troublante image d’un homme qui sera finalement pendu en 1958 au nom des soi-disant vertus du communisme soviétique!
De la Serbie
Un des avantages appréciables de cette croisière est de voir beaucoup de pays en peu de jour. Aujourd’hui et demain, c’est au tour de la Serbie, les méchants lors de la guerre de 1995. La visite de Belgrade, que le guide a malicieusement appelée la capitale de la Serbie et de l’ex-Yougoslavie m’est apparue moderne, habitée par une jeunesse grande et costaude. Ce n’est peut-être pas pour rien que la Serbie produit autant d’athlètes de haut rang. Lors d’un parcours dans le parc Kalemegdan, on nous montre une statue érigée par les Serbes à la mémoire de la France qui encore aujourd’hui a un lien privilégié avec ce pays marqué par l’histoire.
Expliquant l’origine du monument érigé en 1930, le guide raconte comment était la situation de la Serbie au déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914 : littéralement coincée entre deux ennemis, l’empire Ottoman au sud et l’empire austro-hongrois au nord, tous deux alliés de l’empire allemand. Et devinez qui sont venus leur venir en aide et jouer un rôle majeur dans la victoire et ainsi sauver la Serbie de cet étau? Les Poilus d’Orient dont j’ai abondamment parlé dans mon récit sur Marseille de 2015. En effet c’est ce contingent, essentiellement français et détourné du front allemand, qui sera actif dans les Balkans jusqu’à ce qu’il force la capitulation ottomane à la fin octobre 1918, puis celle de l’Autriche-Hongrie au début novembre pour ainsi obliger les Allemands à signer un 3e armistice, celui du 11 novembre et le seul célébré chez nous! Quand deux voyages se font ainsi écho, que demander de plus!
En se promenant en bus dans la ville de Belgrade, le guide nous montre certains édifices militaires et gouvernementaux de l’ancien gouvernement serbe qui ont été bombardés en 1999 dans la foulée de la crise du Kosovo. Toujours en ruine, les quelques bâtiments vus ne peuvent pas faire autrement qu’émouvoir et nous faire prendre conscience de la bêtise humaine. Parlant de ces bombardements de Belgrade, il faut mentionner qu’à l’inverse d’une autre ville serbe visitée, Novi Sad, les ponts traversant le Danube n’ont pas été détruits en 1999 et grâce à qui? Grâce à l’intervention du président de la France, Jacques Chirac, qui a exigé qu’on ne touche pas, dans nos bombardements chirurgicaux, aux ponts de Belgrade. Encore la France!
De belles soirées folkloriques
Tout au long du voyage, nous avons été invités à de nombreux spectacles folkloriques, au grand plaisir de Micheline et de notre efficace accompagnateur Pierre Saint-Germain. Il faut dire que les Balkans constituent encore aujourd'hui une région de fortes traditions folkloriques pratiquées, non pas comme chez nous, par une population exclusivement vieillissante, mais également par une jeunesse fière de son patrimoine. Ainsi on a vu des troupes hongroise, bulgare, serbe et roumaine, costumées de pied en cap et accompagnées de musiciens dont certains étaient carrément des virtuoses. Micheline mettra sans doute sur YouTube quelques extraits de ces spectacles qui convaincront les septiques.
D’une conversation sur le bateau
Se liant avec deux couples français sur le bateau, je leur demande à brûle-pourpoint quelle dimension fait une ferme de 320 hectares en kilomètres carrés (la ferme visitée en Hongrie qui me semblait de bonne taille, en raison sans doute du rachat de terres collectives après l’effondrement du Mur)? Si la réponse reste quelque peu révélatrice (3,2 kilomètres carrés), les discussions tenues ensuite m’ont marqué davantage. Leur mentionnant que 100 hectares équivalaient donc à un kilomètre carré, je fais mal la liaison en prononçant cen-z-hectares plutôt que cen-t-hectares. L’un d’eux me répond l’air moqueur : «Une ferme de cen-z-hectares n'a pas de surface car elle est SANS HECTARE!» C’est cette rigueur de la langue française, même dans les liaisons, que j’apprécie toujours autant chez eux.
Engageant la conversation, Jean-Louis et Christian me disent venir du Nord et que leurs pères étaient mineurs, tous les deux. Comme moi, leur répondis-je! Je me suis tout de suite empressé de leur demander s’ils fêtaient Sainte-Barbe, patronne des mineurs. Patronne que mon père ne connaissait même pas. Or, chez eux la fête était religieusement célébrée a tel point que l’un deux me confie que c’était le seul soir où son père revenait «bien bourré» à la maison. Historien des mines, je me dis que Sainte-Barbe me vienne alors en aide pour qu’elle me ramène sain et sauf samedi!
Que reste-t-il de ce voyage?
D’abord des souvenirs de repas copieux apprêtés dans la pure tradition de la gastronomie française. Que du bonheur, malgré les calories excédentaires!
Ensuite, des odeurs de tilleul en fleur partout, en Hongrie, en Serbie, en Bulgarie et en Roumanie. Être si loin pour revivre les odeurs de la rue Marquette à Montréal!
Des rencontres avec des gens bien dans leur tête qu’on découvre au fur et à mesure que chacun s’estime en confiance.
Le désir d’une vie plus calme après d’intenses découvertes de villes et de pays qui cesseront à jamais d’être de banales abstractions.
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